Asthme

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Terme Définition
Asthme
L'asthme [asm̥ ] du grec άσθμα, ásthma, via le latin asthma signifiant « respiration difficile », est une maladie du système respiratoire touchant les voies aériennes inférieures et notamment les bronchioles, définie comme étant une gêne respiratoire à l'expiration. La maladie s'explique par trois mécanismes caractéristiques : une inflammation avec œdème de l'épithélium bronchique ; une bronchoconstriction par bronchospasmes ; une hyperactivité bronchique (chronique ou non) se manifestant par une sécrétion accrue de mucus, notamment due à un remodelage des voies respiratoires supérieures.

Une histoire d’asthme ?

La toute première mention de ce mot sous cette écriture précise se situe dans le texte grec d’Homère, douze siècles avant notre ère, il y a donc 33 siècles.

Homère, littéralement Oμηροζ/Hómêros « l’otage » ou « celui qui est obligé de suivre » sans doute en poursuivant cette grande tradition des poèmes épiques, nous relate le siège de Troie, cette ville d’Asie mineure alors nommée Ilion.

L’Iliade en sera ainsi la première partie, avant la description du retour d’Ulysse vers Pénélope en Itaque, relatée comme la véritable Odyssée ainsi éponyme…

Dans le chant XV, le vers 241 nous décrit Hector au pied des remparts de Ilion/Troie, mourant sous les coups d’Achille :

« Aταρ ασθμα και ιδρωζ παυɛτ »

« Suffocation et sueur ont cessé »

L’asthme – Aσθμα –ατοζ (το) – est bien ce souffle court, suffocant, le dernier alors pour Hector.

Platon (Πλάτων/Plátôn - 424/423, -348/347) – huit siècles plus tard – dans son essai sur « La république 568 d » utilise ce mot pour exprimer… l’idée (!) « d’essoufflement, de manque de souffle ».

Eschyle (Aισχύλοζ/Aiskhúlos -526 -456), l’auteur le plus titré de l’antiquité, utilisait déjà dans « Les Perses » , ce terme pour qualifier « la perte du souffle », l’essoufflement.

Hippocrate (Iπποκράτηζ -460 COS, -370), dans ses « Aphorismes 1248 » utilisera précisément le terme d’asthme transcrit comme chez Homère, au sens de « respiration pénible ». Notre médecine dite occidentale gardera très longtemps Hippocrate pour horizon… quasiment au sens propre avec ses aphorismes, ce qui est délimité par l’horizon proposé par le maître des Asclépiades de Cos (απο/ορισμοζ - apo/horismos- délimitation et οριζɛιν/Horizein : délimiter/horizon). Leur traduction en français par Vigier en 1656 sera un corpus majeur de l’enseignement médical en France. Leur traduction latine en 1742, 7e tome de « Medicina Hippocratica » publiée à Amstelodami (Amsterdam) par Johanne de Gorter , sera la référence de l’Europe du nord.

L’héritage d’Hippocrate, c’est bien sûr l’observation, mais surtout une approche globale, holistique avec la vision de l’homme porteur des 4 éléments de la vie, devant trouver équilibre avec quatre typologies d’humeur de son corps correspondant à des organes précis, s’exprimant par un « tempérament » … l’« intempérie » conduisant à la pathologie.

Le bon mélange, l’équilibre, ce que nous qualifierions de physiologique, est la crase, le déséquilibre conduisant à la maladie en sera la dyscrasie . Son observation de l’histoire naturelle de la maladie sera le constat :

d’une dégénérescence des humeurs ;
puis d’une coction, c’est à dire d’une réaction par la fièvre ;
enfin d’une crise avec évacuation de l’humeur en excès.

Cette dernière est bien présente dans l’évolution naturelle de la maladie asthmatique… Galien (131–201), le médecin de l’empereur philosophe Marc-Aurèle, médecin de la gladiature, formé aux asclépiades de Pergame, utilisera le mot « asthme » comme d’un terme générique pour « dyspnée » tout en donnant une description clinique précise des expectorations post-critiques :

« Des humeurs épaisses et filantes

occupaient les voies de l’air,

ou quelques tubercules crus des poumons »

Asthme, histoire d’une orthographe…

Au commencement était la racine grecque « ′Aω/Ao » signifiant « souffle » , s’agissant exclusivement du souffle du vivant. Dès lors, le verbe αω/ao sera souffler, gémir, se lamenter avec la plainte d’un souffle toujours vivant.

Et « Aοιδή/ωδή – Aoidè/odè » nous conduit à l’Ode récitée par l’Aède tel Homère déclamant l’Ode d’Ulysse, l’Odyssée. Le passage de l’ασθμα/asthme grec au latin asma,atis exprimait alors le « chant » émis par l’homme, forme modulée du souffle du vivant.

Séparant le souffle du vivant du souffle minéral, tel le vent, le monde grec s’était doté d’un autre mot pour l’exprimer : « ′Aημι/Aèmi ». Au sens direct puis figuré l’on peut être battu par le vent au point d’êre agité de crainte, d’espérance : Eschyle .

Au XIIIe siècle l’usage du latin asma ou asthma , directement issu du grec ασθμα/asthma , était utilisé pour parler d’un « essoufflement ».

Au XIVe siècle, le terme francisé en asme aura pour sens « angoisse » tant dans son assertion d’oppression physique que morale. Rappelons que le mot angoisse est lui-même issu du verbe latin angere , « serrer, resserrer », le nom associé étant angustus « lieu étroit, défilé ».

C’est bien en la matière, la conséquence asphyxiante et anxiogène du resserrement de la lumière des bronches qui confèrera l’angoisse.

C’est en 1611 que le mot asthma/asthme sous cette écriture est devenu la règle lui permettant de retrouver ses helléniques et homériques origines, nommant le souffle court d’une crise de fermeture des bronches. L’orthographie – (littéralement l’écriture droite/correcte/vraie par ορθο/ortho : droit et γραφɛιν/graphein : écrire) – inscrit bien ce mot dans son histoire et permet une précision du langage, expression de notre pensée : l’asthme dès lors sera la maladie des bronches qui peuvent se fermer par crises ; l’angoisse, la dyspnée, l’essoufflement n’exprimant plus cette pathologie pulmonaire spécifiquement.

Asthme : évolution des concepts pathologiques

Dans « Le Canon de la Médecine », son « livre des lois médicales » régulièrement réédité en arabe jusqu’en 1593 à Rome, seconde synthèse post-hippocratique du savoir médical après Galien , Avicenne (980–1037) décrit l’asthme comme une dyspnée avec des épisodes de crises.

Au siècle suivant, Maïmonide (1135–1204), dans son traité de l’asthme , insiste sur la nature de ce que nous qualifierons plus tard de psychosomatique qui intervient dans la compréhension et donc la prise en charge de cette maladie :

« Il est clair pour les médecins,

que l’on ne peut parvenir à la thérapeutique des maladies de manière directe ;

il faut s’efforcer avant tout de bien connaître le tempérament du malade… »

À la fin du millénaire, c’est bien la somatisation qui fait dire à Cioran :

« Le Réel me donne de l’asthme »

En 1698, rappelle Sakula, Sir John Floyer, Earl (Duc) of Clarendon, fait de la crise d’asthme une analogie à la catalepsie ; il décrit une nature tonique au spasme :

« Dans l’accès de l’asthme, les fibres musculaires des bronches

et des vésicules des poumons sont contractées,

Ce qui produit ce son rauque qui est très remarquable dans l’expiration »

Van Helmont , au XVIIIe siècle à Bruxelles, constatant l’absence de permanence des symptômes, qualifiera l’asthme de Caducum pulmonis/ de mal caduque du poumon . Reconnaissant ainsi à ce spasme une nature clonique, il le décrit comme dû à la « Contraction spasmodique des pores du poumon analogue à une crise d’épilepsie ».

Antoine Furetière, en 1695, décrit l’asthme comme une maladie du poumon conférant au patient une courte haleine, une difficulté de respirer avec une « fréquente respiration sans fièvre (comme) celle de ceux qui ont couru trop vite » :

« Le vrai asthme s’engendre d’une abondante humeur grasse et visqueuse amassée de longue main dans les cavités du poumon par plusieurs de fluxions arrivées à diverses fois, laquelle bouche et rétrécit le conduit d’air. Les latins l’appellent anhelatio »

Les catarrhes de Laënnec (1781–1826) : ce fin clinicien, créateur de la fameuse auscultation passant par un médium, le stéthoscope (στɛθοζ-stethos/thorax et σκοπɛιυ-skopein/observer), avait séparé au plan séméiologique, le « catarrhe muqueux chronique », pouvant être dû à des « bronchectasies » ou à l’oblitération des voies aériennes, c’est à dire à une crise d’« asthme », du « catarrhe puriforme » générateur de dyspnée. Cliniquement le diagnostic différentiel entre asthme au catarrhe muqueux, et bronchite chronique au catarrhe puriforme était donc décrit dès le début de XIXe siècle.

Alain Rey dans le dictionnaire « Le Robert » en 1993 et 2005 [, ] définit l’asthme comme une « Difficulté à respirer et notamment à expulser l’air, accompagnée d’un bruit sifflant particulier. ».

Avec la précision du lexicographe, il précise la nature bronchique et cardiaque de cette dyspnée : L’Asthme bronchique (étant une) « maladie pulmonaire survenant par accès, causée par des spasmes au niveau de petites bronches avec augmentation des sécrétions bronchiques ». Nous devrions d’ailleurs garder cette précision, et adjectiver l’asthme dans notre spécialité pneumologique !

Car l’asthme a un autre adjectif … « asthmé »

En fauconnerie, Furetière, en 1696 , rappelle qu’il « se dit d’un oiseau pantois qui a le poumon enflé, qui ne peut avoir d’haleine ». Cet adjectif est repris par Littré en 1872 : est asthmé, « oiseau qui ne peut avoir d’haleine ». Le Robert, au XXe siècle, ne reprend plus ce vocable dans le français actuellement parlé.

Asthme : les années 1970 … il y a un siècle !

Au siècle dernier, celui de nos études … l’asthme se définissait comme une « bradypnée expiratoire à prédominance vespéro-nocturne ». Cette maladie du « souffle court », (βραδυ- brady/court et πνɛuma- pneuma/souffle- ), vécue comme une contrainte mécanique à l’expiration, est réputée s’exprimant plutôt le soir et la nuit (période vespéro-nocturne).

Asthme : les années « GINA » 2004/2012… le 3e millénaire ! (Global Initiative for Asthma)

L’asthme est un syndrome inflammatoire chronique affectant les voies aériennes, pour lequel de nombreuses cellules jouent un rôle en particulier les mastocytes, les éosinophiles et les lymphocytes T. Chez certaines personnes, cette inflammation cause des épisodes répétés de sifflements, de dyspnée, de gêne thoracique et de toux particulièrement la nuit et/ou au petit matin. Ces symptômes sont habituellement associés à une large mais variable limitation des débits aériens. Celle-ci est au minimum réversible partiellement soit spontanément, soit sous l’effet du traitement . Cette inflammation cause également une augmentation de la réactivité bronchique à des stimuli variés.

Les consensus, l’approfondissement des connaissances, des étiologies, imposent une complexité au risque d’être faux dans la simplicité : adjectiver par bronchique l’asthme participerait d’une rationalisation anatomique du langage dans cette définition du « GINA » !

L’asthme dans d’autres langues

Si Avicenne avait bien parlé de crise, le terme d’asthme n’est pas resté en langue arabe : actuellement deux mots sont utilisés pour l’exprimer : « daïka ou rétrécissement » et « kadfa ou dyspnée ». La crise décrite par Avicenne, « el esma » en langue arabe, phonétiquement proche du terme grec asthma a pu faire penser à une racine arabisante ; ce dernier qui fut pourtant écrit sous cette forme par Homère 2300ans avant Avicenne.

Koffi a rapporté les mots qui nomment l’asthme chez différents peuples d’Afrique de l’Ouest : Afonfon (Attié), Assita (Baoulé), Sièssiè (Gagou), An win win (Ebrié), Foho Don (Yacouba), Gbohi Kpin (Fon), Yi fin (Moré). Pigearias rappelle que Québec chez les Micmac et Algonquins, peuples du St Laurent, nomme le rétrécissement de ce fleuve qui forme un véritable détroit avant de s’élargir en une embouchure majestueuse : ce mot pourrait bien être proche de ce qui nommerait la maladie asthmatique dans ces langues.

Cette quête terminologique sera un thème de recherche dans les langues des pays de l’Espace Francophone de Pneumologie ayant la langue française en partage : les correspondances publiées sur le site numérique seront un formidable outil de partage dans cet espace.

Source : Revue des Maladies Respiratoires (2014) 31, 8—12
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Prononciation: a-sm'

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