L'obésité, ou la métonymie du gras. Bernard Pigearias

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C’est  en 1825 qu’est publiée la Physiologie du goût ou Méditations de gastronomie transcendante par un magistrat, ancien député à la constituante de la période post-révolutionnaire française : Anthelme BRILLAT-SAVARIN (1) introduit alors dans le vocabulaire ce terme d’obésité… dérivant d’obesus, participe passé du verbe latin obere signifiant rongé, amaigri … Sa métonymie devait faire florès : cette rhétorique du registre de l’humour désignant la cause pour l’effet, le signe pour la chose signifiée permit à l’obèse de … devenir gras et bientôt gros!

La Grèce classique l’avait qualifié d’épais, de pakus / παχυς sans doute en raison de sa peau devenue … pachydermique. Le latin a intégré ce mot sous le vocable de pinguis : l’épaisseur de la peau de certains palmipèdes adaptés au froid explique sans doute le nom de pingouin (en passant par le néerlandais pinguyn).

Puis la langue latine adopte le terme de crassus  ou grossus, sans étymologie réellement connue, pour désigner l’épaisseur puis la graisse et le gras :

ces termes ont eux aussi fait florès en faisant de leur déclinaison, leurs … choux gras, tout en faisant la grasse matinée les jours gras, un certain mardi éponyme, où certains parlent gras. Chez le bovin le gras-double sera sa panse alors qu’il est lui-même à l’embouche pour engraissement dans une prairie elle-même traitée aux engrais. Fait-il alors de la mauvaise graisse au risque pour son maquignon de devoir  graisser la patte à un éventuel preneur éventuellement grassouillet…

Même au plan moléculaire le gras est à l’honneur avec les corps gras, les acides gras et autres alcools gras !

Du Moyen-âge  à nos jours, le gras est devenu gros pour se qualifier d’obèse : Georges VIGARELLO (2) en a décrit les métamorphoses, passant du Glouton médiéval au Balourd moderne pour constater L’impuissance des Lumières et de leur sensibilité, et mettre en avant le Ventre bourgeois pour aboutir au Martyr contemporain bien illustré par KAUFFMANN dans la Guerre des fesses (3). Références :

1. Anthelme BRILLAT-SAVARIN : Physiologie du Goût, ou Méditations de Gastronomie Transcendante ; ouvrage théorique, historique et à l'ordre du jour, dédié aux Gastronomes parisiens, par un Professeur, membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes, Edité sans nom d’auteur en 1825- Réédition aux Ed Charpentier Paris en 1838 avec, en appendice, le Traité des excitants modernes par Honoré  de Balzac en 1839, avec un autre appendice la Physiologie du mariage par Honotré de Balzac

2. Georges VIGARELLO, Les Métamorphoses du gras : Histoire de l’obésité Ed du seuil  Paris 2010

3. Jean-Claude KAUFMANN, La guerre des fesses  Ed J.C. Lattès  Paris 2013

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